Ne broyez pas du noir à l’annonce du décès de Pierre Soulages. Car, même à ses heures les plus sombres, c’est la lumière qu’il cherche à faire sortir de toute cette noirceur. C’est ce que j’ai découvert au musée Soulages de Rodez, musée qui a l’originalité d’avoir été créé pour et par l’artiste lui-même.
Tout l’intérêt de cette démarche est que Soulages ait pu choisir l’installation de chacune de ses œuvres. Si, bien entendu, ses Outrenoirs suspendues par des câbles sont en vedette dans de splendides salles baignées de lumière. Ses travaux plus anciens ne sont pas laissés de côté. Je pense particulièrement aux bronzes qu’il façonnait pour créer ses gravures et qu’un ami lui avait suggéré de présenter comme œuvre à part entière.
Ainsi Pierre Soulages propose ici un éclairage original en dirigeant la lumière vers des panneaux blancs situés en face des bronze, derrière le visiteur. La lumière rebondit de mur en mur ce qui a pour effet de rétro-éclairer ces pièces, une merveille !
Evidemment, je n'ai pas découvert tous ses détails toute seule : Je vous conseille la visite guidée qui donne tout son sens à cette exposition. Il est toujours intéressant d'observer les premiers travaux des artistes de l'abstraction pour ne pas oublier que ce sont des compétences plastiques maîtrisées qu'ils mettent au service de leur idée. Contrairement à ce que certains détracteurs ont pu dire.
Pour la rétrospective au musée du Louvre (Paris) le peintre-sculpteur a créé de nouvelles pièces. C’était en 2019, il avait 100 ans ! Il est alors le 3ème peintre à entrer au Louvre de son vivant, après Chagall et Picasso, qu'il appelle son "maître absolu".
Le visiteur est amené à se déplacer devant ces œuvres, et c'est alors qu'il peut comprendre la recherche de l'artiste, et apprécier comment la matière modèle la lumière.
La découverte du travail de Soulages peut se poursuivre en prenant la route direction l'abbatiale de Conques, à moins de 50 km de là. Quel rapport me direz-vous ? Figurez-vous que le peintre des Outrenoirs a dédié 8 ans de sa vie (1986-1994) à la fabrication de vitraux, incroyable non ?!
« J'ai accepté, car ce projet est lié à l'abbatiale de Conques [à laquelle] je suis très attaché. Adolescent, j'ai tellement été bouleversé par la beauté de l'architecture de cette église que j'ai décidé de me consacrer à l'art. [...] Lorsqu'on m'a demandé de réaliser ces vitraux, je n'ai pas hésité."
Et comme personne n'est mieux placé pour parler de son travail, je vous propose cette courte vidéo de l'INA :
Depuis près d'un demi-siècle, Soulages ne peint donc plus avec le noir, mais avec la lumière réfléchie par le noir. Il est devenu le peintre de la lumière. "L'art est la seule chose qui mérite qu'on lui consacre une vie" disait Pierre Soulages et c'est ce qu'il fit.
C'est sûrement ce rapport à la lumière qui m'a émue en tant que photographe lors de cette visite. La lumière guide mon travail, elle attire mon œil, structure mon image et imprime ma photo ! L'origine du mot "photographie" n'est-elle pas, comme la peinture de Soulages, "l'écriture par la lumière" ?
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